Shadowland : Retour d’Expérience sur un Projet Mystique, de sa Genèse à son Réajustement Narratif
Le 30/10/2024, par Antoine
La réalisation de Shadowland est un projet fascinant, à la frontière entre le documentaire et le folk horror, qui nous a offert une opportunité unique d’explorer le potentiel de l’éclairage par drone en milieu extrême et nocturne. De la genèse du projet à ses révisions majeures, voici un aperçu de notre implication dans cette aventure filmique hors norme. Sûrement l’un des tournages les plus particuliers sur lesquels nous avons eu à intervenir.
Shadowland par Otso Tiainen
La Genèse du Projet
Conçu à l’origine comme un portrait intime de Richard Stanley, réalisateur culte connu pour ses travaux sur le surnaturel (Color Out of Space avec Nicolas Cage en 2019, adaptation de H.P. Lovecraft) maudit après son échec sur le tournage de l’ïle du docteur Moreau dans les année 90, Shadowland plongeait dans l’histoire personnelle et les expériences mystiques de Stanley, notamment dans la région de Montségur. Le Château de Montségur, perché sur un pic des Pyrénées, possède une histoire imprégnée de mystères et de légendes cathares. Stanley y aurait vécu une expérience spirituelle dans les années 90, affirmant avoir été guidé par une apparition lumineuse jusqu’au sommet du château. C’est ce moment spécifique, à la fois mystérieux et central au récit, que nous avons été appelés à recréer pour l’écran.
Le Tournage : Défis Logistiques et Techniques
En 2021, nous avons passé deux nuits au pied du Château de Montségur, prêtes à relever le défi de ce tournage peu commun. Le parcours jusqu’au château est un sentier de randonnée escarpé et rustique : 300 mètres de montée pour un dénivelé de 200 mètres. À cela s’ajoutaient les contraintes d’un tournage de nuit, avec une visibilité très réduite et une charge logistique complexe – le Freefly Alta 6, lourdement équipé, un générateur et un nombre important de batteries.
Pour ce projet, nous avons équipé notre Freefly Alta 6 d’un projecteur de lumière blanche sur mesure, permettant de créer un effet lumineux intense, parfaitement adapté aux scènes nocturnes dans un environnement isolé et naturel. La lumière produite par notre projecteur est d’une grande stabilité, un atout crucial pour ce type de tournage, où l’effet visuel doit renforcer la narration mystique sans perturbations d’éclairage. Les mouvements du drone, lents et calculés, ont permis d’amplifier cette atmosphère spectrale, mimant l’apparition que Stanley aurait vécue des décennies plus tôt.
En complément, nous avons réalisé des prises de vue d’illustration de la région environnante avec notre DJI Inspire 2. Ces plans de paysage ajoutent une perspective visuelle au film et ancrent le spectateur dans l’atmosphère unique de Montségur.
Richard Stanley
Richard Stanley est une figure singulière du cinéma, dont la montée en popularité dans les années 1990 a marqué l’univers du cinéma de genre. Après un début de carrière prometteur avec des films comme Hardware (1990) et Dust Devil (1992), il est rapidement perçu comme un réalisateur talentueux et visionnaire, avec un style unique mêlant horreur et science-fiction. Cependant, sa carrière connaît un abrupt downfall lors du tournage du film L’Île du docteur Moreau (1996), où des désaccords créatifs majeurs avec la production entraînent son éviction du projet, le plongeant dans une traversée du désert artistique. Stanley fait un retour remarqué à la fin des années 2010 avec Color Out of Space (2019), une adaptation acclamée de la nouvelle de H.P. Lovecraft, qui relance son statut de réalisateur culte. Cependant, ce renouveau est de courte durée : en 2021, des accusations dans le cadre du mouvement #MeToo émergent à son encontre, jetant une ombre sur son parcours et provoquant un autre recul dans sa carrière, cette fois au cœur d’une controverse publique.
Un Changement Narratif Radical
Peu de temps après le tournage, des accusations ont été portées contre Richard Stanley, et son rôle central dans le film est devenu une source de controverse. Face à ces révélations, la production de Shadowland a entrepris une révision majeure du film. Le documentaire, qui devait initialement se concentrer sur le personnage de Stanley, s’est réorienté vers un récit plus large, explorant les aspects sombres et tragiques du folklore de la région et la fascination humaine pour le mystère.
Ce changement de direction a transformé l’essence même de Shadowland, en en faisant une œuvre plus collective, qui aborde de front les ambiguïtés de ses sujets sans se concentrer sur un protagoniste unique.
Retours Presse
Depuis sa sortie, Shadowland a suscité des réactions variées dans la presse spécialisée. Variety décrit le film comme « envoûtant et troublant », en soulignant l’atmosphère mystique et immersive qui « dépasse les frontières du documentaire conventionnel ». Le média souligne également la capacité de Shadowland à explorer l’obsession humaine pour l’invisible, un thème qui s’accorde parfaitement avec l’ambiance singulière de Montségur et les éléments d’éclairage par drone qui renforcent cette atmosphère. D’autres critiques, comme Cinema Crazed, apprécient l’approche visuelle du film et sa charge émotionnelle, tandis que Scared Sheepless relève l’importance des effets d’éclairage, affirmant que ceux-ci jouent un rôle majeur dans la réussite de l’ambiance sombre et mystique du film.